La Lettre du Vistemboire n°6: Les rotondes de William Thayer
- Alexandre Missoffe
- 27 févr.
- 2 min de lecture

Dans la famille "la chance appartient à ceux qui savent la saisir", je demande William Thayer.
Nous sommes en 1798. Quatre ans auparavant, à la victoire du siège de Toulon lors de laquelle s'illustra un jeune capitaine d'artillerie nommé Bonaparte, la France avait confisqué les bateaux de l'ennemi. Parmi ceux-ci, un navire appartenait à un armateur américain, William Thayer, qui fit valoir que certes la flotte anglaise avait utilisé son bateau pour des buts militaires mais qu'il est injuste qu'on l'exproprie lui qui n'y est pour rien. Comme l'administration française ne lui répond pas, il traverse l'atlantique et vient à Paris pour plaider directement sa cause.
Il dut le faire avec talent puisque le Directoire se laisse convaincre. Sauf que, le bateau ayant depuis été transformé en navire de guerre, on ne lui rend pas son bien Thayer, mais on l'indemnise. En assignats ! Voilà donc notre américain, qui voulait récupérer son bateau et rentrer chez lui, qui se trouve avec une montagne de billet qui n'ont cours qu'en France (et encore !). William Thayer ne se décourage toujours pas et cherche comment investir ses assignats. Comme ceux-ci sont gagés sur les biens nationaux, il rachète, avec le montant de son indemnité, l'hôtel de Montmorency qui couvrait alors l'espace entre les actuelles rue Montmartre et rue Vivienne d'un coté, et la rue Feydeau et le boulevard Montmartre de l'autre.
Pour rentabiliser son investissement Thayer s'associe à un autre américain : Robert Fulton. Fulton est à Paris pour tenter de vendre au gouvernement de la toute jeune République le procédé de sa nouvelle invention: le sous-marin. En dehors de son prototype qu'il a appelé "le Nautilus", Fulton a d'autres brevets dans sa besace. Thayer et Fulton se mettent d'accord pour construire deux grandes rotondes au bout du terrain de l'hôtel de Montmorency, coté boulevard, dans lesquelles on présentera le procédé de Fulton de peinture "en panorama". Entre les deux rotondes de Panoramas, Thayer construit une galerie marchande couverte qui permet d'y accéder depuis le sud, galerie qui prendra tout naturellement le nom de "Passage des Panoramas".
Le succès est immense. Succès des rotondes et des peintures en panoramas, mais aussi et surtout succès du passage qui devient le lieu à la mode dont les boutiques présentent "des nouveautés", pas au sens d'innovations mais plutôt des choses qu'on ne trouverait pas ailleurs et qui épouse le champ qui va de l'insolite à l'inédit. Les rotondes des Panoramas sont détruits vers 1830 lorsque la mode des "machins en -rama" qui agaçait Balzac sera passée. La mode du passage, elle, ne passera jamais vraiment.
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