La Lettre du Vistemboire n°5 : les rubans de Christian Dior

En 1953 Christian Dior est à New York pour visiter ses affaires, la première boutique Dior en Amérique ayant ouvert quatre ans plus tôt sur la Vème avenue. Après avoir inspecté les stocks, la caisse, les ventes, la présentation, il flâne un peu dans la boutique pour observer le comportement des clients américains.

Le soir tombait, le magasin allait fermer lorsque surgit une grande dame très élégante. Elle se rend à un évènement mondain de premier plan. Elle est habillée comme une reine, coiffée comme une impératrice mais il lui faut absolument un chapeau. Les vendeuses s’affairent, on ouvre toutes les boites, on sort tous les modèles, mais, comme un fait exprès, ce n’est jamais la bonne couleur, ou la bonne forme, ou cela ne va pas avec la coiffure. Christian Dior, qui observait la scène discrètement d’un peu plus loin, s’approche alors. « Permettez madame ? », il fait asseoir la cliente en face du miroir, attrape les rubans qui emballaient les cartons à chapeaux qu’on avait éventré pour en extirper leurs trésors et, impromptu, compose une œuvre directement dans les cheveux qu’il fait tenir avec quelques épingles discrètement dissimulées. La cliente s’émerveille « C’est magnifique, c’est merveilleux, vraiment vous êtes un magicien, je ne sais comment vous remercier ». Christian Dior lui répond le plus sérieusement du monde « je vous en prie chère madame, vous n’avez pas à me remercier. En revanche ça fera cinq mille dollars je vous prie ». La cliente bondit de son fauteuil « Comment ça cinq mille dollars ?! Vous ne prétendez pas me faire payer cinq mille dollars pour un bout de ruban et quelques épingles !! ».

Christian Dior fait rasseoir doucement l'élégante indignée. Il prend le plus grand et le plus beau carton à chapeaux. Il enlève les épingles et les rubans dont il avait orné la chevelure de la dame, les range bien soigneusement dans le carton et le tends en disant « Madame, ces bouts de ruban et ces quelques épingles, la maison Christian Dior est heureuse de vous les offrir. »

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