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La Lettre du Vistemboire n°4 : le pinceau de Monet

  • Photo du rédacteur: Alexandre Missoffe
    Alexandre Missoffe
  • 19 févr.
  • 3 min de lecture



J’avais imaginé initialement que cette newsletter serait aussi l’occasion d’entretenir les amis du Vistemboire de l’avancée du chantier et des mille et une joies et contrariétés d’un apprenti commerçant. Mais il me plait davantage de vous entretenir encore du fond du projet : la valeur que les récits confèrent aux objets qui en portent témoignage.

Comme je fais souvent, ces jours-ci, l’histoire de mon échoppe à récits, je trouve ou retrouve des exemples qui me semblent illustratifs de ma démarche et que je vous partage ici. 

En 1915 le jeune (alors) Sacha Guitry avait réalisé un film, muet bien entendu, destiné à montrer les gloires de la France aux poilus et de renforcer ainsi leur morale en montrant combien il était juste de se battre pour la patrie de Monet, de Laborie, de Rodin et de quelques autres.

Pour ce reportage, (exceptionnel par ailleurs mais j’y reviendrai une autre fois) il alla filmer Monet dans son atelier à Giverny. 

Le maître était en train de peindre « Les Nymphéas » et l’apprenti réalisateur raconte son émerveillement de se tenir aux cotés d’un homme-monument au milieu d’un fouillis de toiles à moitié faites, d’esquisses et d’essais déposés selon l’inspiration sur n’importe quel bout de n’importe quoi. A la fin de la prise, Monet le remercie de sa démarche et lui propose de prendre quelque chose « en souvenir ». Guitry regarde tout autour et partout où tombent ses yeux il ne voit que des splendeurs inestimables et évidemment il n’ose même pas y songer. Finalement il remarque le pot de pinceaux qui est là, sur la table et dit à Claude Monet : « Maître ce serait  pour moi une joie immense de posséder un pinceau de vous. »

Monet le regarde étonné en se disant que ce garçon doit être un simplet pour vouloir un objet aussi trivial, mais bon puisque cela semble lui faire plaisir... Au moment où Sacha saisit un pinceau, Monet arrête son geste en disant, « oh non, au moins prenez-en un neuf, celui-ci est tout abimé ! »

L’étonnement modeste de Monet est touchant, mais à la vérité je crois que j’aurai fait le même choix que le jeune Sacha Guitry.

Le pinceau, encore frais de la palette des nymphéas, encore tiède des doigts de Monet serrés sur son manche, me semble être propre à faire naître une émotion artistique intense et bouleversante.

 

Imaginez une immense pièce ovale, l’exacte réplique du Musée de l’Orangerie.

Au milieu, sous une cloche de verre le pinceau est exposé.

Les visiteurs tournent autour en procession lente. Ils regardant ce pinceau et voient non seulement les Nymphéas, mais aussi Monet. Ils voient le courage du vieillard perclus, penché sur son ouvrage, obstiné à sa tâche et conscient qu’il accomplit là une tache essentielle, infiniment plus importante que sa fatigue et ses douleurs d’homme. Ce qu'ils voient, ces heureux visiteurs imaginaires, c'est la beauté qui naît entre les mains du génie qui meure.

 

Tout le principe du Vistemboire des Panoramas est là. Ce pinceau, cet objet simple et banal s’il en est, prend, avec l’histoire des Nymphéas de Monet, une valeur exceptionnelle. Mais juste pour ceux qui connaissent et sont touchés par cette histoire. Les autres n’y verront qu’un objet quelconque. Tant pis pour eux. En définitive c’est bien la capacité à transmettre et à émouvoir par le récit de l’objet qui crée la valeur.

Evidemment, avec Monet c’est plus évident, mais il n’est pas nécessaire de convoquer des figures de la dimension de celle-ci pour instruire les esprits et toucher les cœurs. 

 
 
 

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13 Passage des Panoramas,

75002 Paris, France

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